Partie II - LES PARTICULARITES ALIMENTAIRES

2- Chez les personnes originaires du Maghreb




2.1- Les aliments de base

Les Maghrébins mangent beaucoup de pain ; c'est un aliment de base, mais c'est aussi un symbole : "quelqu'un qui a faim on dit qu'il ne trouve pas du pain ; ou l'inverse : on donne du pain " (15).
   Les plats les plus consommés sont ceux contenant de la semoule, comme le couscous, qui est au menu régulièrement, une fois par semaine par exemple. Ces plats comprennent aussi de la viande, en gros morceaux. Les autres aliments de base sont les pâtes, haricots secs, pommes de terre, et pois chiches.
   D'autre part, l'alimentation est riche en matières grasses (fritures), en sucre (pâtisseries arabes, boissons sucrées).

Les épices ont également leur place dans l'alimentation des maghrébins, où elles remplissent une fonction d'assaisonnement qui permet de "s'approprier", de transformer la nourriture :
   " Il est remarquable de voir comment les aromates, épices et condiments familiers acquièrent de l'importance lorsque l'on est transplanté ; ce sont des sortes de marqueurs gustatifs qui permettent de se remémorer la terre natale et de rendre acceptables les produits de la terre d'exil en les "naturalisant " "(14).

Une troisième caractéristique de l'alimentation des maghrébins est la consommation de viande casher qui est, comme nous l'avons vu plus haut, un principe d'ordre religieux. Ce principe est d'ailleurs commun à l'Islam et au Judaïsme.
   La viande casher provient d'animaux sacrifiés rituellement : saignée accompagnée de la formule de prière.
   Cependant, cette règle est adaptable : quand il ne peut pas maîtriser cet élément (à l'hôpital, en prison...), le musulman peut manger de la viande qui n'est pas casher.
   Malgré cette possibilité, on peut noter que depuis quelques années, cette recommandation faite aux musulmans est de plus en plus suivie en France (environ 30 % des patients hospitalisés au Centre Hospitalier de Grenoble (16))


2.2- Les interdits

Chez les Maghrébins musulmans, les interdits alimentaires sont d'origine religieuse et sont de deux ordres : permanents ou temporaires.

Sont interdits en permanence le porc, la viande provenant de bêtes défendues ou tuées d'une manière non conforme aux lois islamiques (la viande doit être casher), et l'alcool.
   En effet, "si dans le Coran, le vin est célébré comme un bienfait de Dieu (Sourate XVI), la consommation des alcools n'en est pas moins prohibée car incompatible avec la lucidité nécessaire au croyant-pratiquant lors des cinq prières quotidiennes, et de plus parce que l'ivresse engendre des conflits au sein de l'Oumma, la communauté des fidèles (Sourate II-19, IV-43, V-90/91) (14).

Le Ramadan est un interdit temporaire ; il correspond au 9ème mois de l'année hégirienne. C'est une période de jeûne au cours de laquelle il est interdit de boire, de manger, (d'avoir des relations sexuelles), du lever au coucher du soleil.
   Le jeûne, bien qu'il soit un des cinq piliers de l'Islam, n'est pas imposé à tout le monde. Les malades, les enfants, les femmes enceintes, pendant leurs règles et après l'accouchement (et pendant l'allaitement, si le jeûne présente des risques pour la santé de la mère ou de l'enfant), les voyageurs, sont exemptés sous certaines conditions :
   " Qui, parmi vous, se trouve malade ou en voyage, jeûnera plus tard un nombre égal de jours : Dieu veut pour vous de l'aise et ne veut point de la gêne (Sourate 2, verset 185) " (17)

Les buts du Ramadan sont de différents ordres :
   " Un des objectifs majeurs ( ) est de permettre aux humains de dominer leur part d'animalité pour laisser émerger leur part de nature angélique, et parallèlement faire la charité, nourrir les pauvres, aider les plus démunis, partager. " (14)
   D'autre part, le jeûne a un impact énorme sur la société, car tous les musulmans, quel que soit leur statut, doivent respecter le jeûne pendant le même mois. Cela souligne l'égalité essentielle des hommes, et crée en eux un sentiment encore plus profond de fraternité (18)
   La religion musulmane recommande cependant la modération, afin de respecter les besoins du corps sans qu'ils ne dominent ceux de l'esprit : les excès dans l'ascèse comme dans le matérialisme sont à proscrire (14).

Les pratiques alimentaires d'ordre religieux sont de plus en plus "observables ", tant sur les étalages des marchés et des magasins que dans les services de restauration des écoles, entreprises et hôpitaux (plats sans porc, viande casher...)


2.3- Le réapprovisionnement, la préparation

L'achat de la nourriture :

Grâce au développement de l'alimentation orientale (probablement lié à l'importante demande), tous les aliments nécessaires sont maintenant sur le marché en France, à des prix accessibles. C'est un commerce qui prend de l'ampleur, notamment pour le casher : on trouve maintenant des boucheries qui proposent de la viande casher (saucisses, merguez), des abattoirs qui tuent dans le respect de la tradition, selon les rites musulmans (et juifs), en particulier lors des fêtes du calendrier musulman (Aïd el kèbir, la grande fête du sacrifice du mouton ; Aïd el seghir, la petite fête qui symbolise la fin du Ramadan).
   Dans les familles maghrébines, les courses sont généralement faites par le mari, accompagné ou non de sa femme. Cependant, pour certaines courses spécifiques (lors des fêtes...), la femme est indispensable.
   Les repas sont ensuite préparés sous la direction de la mère, la "mama ", qui décide du menu et demande l'aide nécessaire aux autres femmes de la maison qui peuvent participer (qui sont en bonne santé) : grand-mère, filles, petites-filles...


2.4- L'évolution

Il y a aujourd'hui en France deux, trois, voire quatre générations de personnes d'origine maghrébine. Certains parents enseignent à leurs enfants la cuisine, parfois dès le plus jeune âge, en particulier aux filles ; ce sera pour elles un avantage le jour où elles se marieront, seront autonomes. Les autres enfants apprendront souvent auprès de leur famille, le jour où leurs parents disparaissent.
   Comment ces nouvelles générations se positionnent-elles, porteuses de leur héritage culturel, en même temps qu'elles se fondent dans notre société ?
   D'après M. OUMILOUD, tant qu'ils sont avec les parents, ils conservent en général les mêmes habitudes. Quand ils partent du milieu familial, cela dépend. C'est une question de culture, d'éducation : les enfants adorent "mac Donald's ", ils mangent des pâtes, de la purée, des steaks hachés...


21 mars 1999 - (c) isabelle GUYOT
Réalisé par Jérôme MALANDRINO (c) 1999