Partie III - LES CONCEPTIONS DE LA MALADIE

3- Chez les personnes originaires d'Afrique Noire




3.1- Le sens

L'Africain Noir traditionnel conçoit le corps et l'esprit comme un ensemble lié, indissociable : le corps est le contenant, l'esprit le contenu. Cet ensemble maintenu en équilibre, l'harmonie du corps et de l'esprit permettent à l'homme, à la femme, de semer la joie autour d'eux.
   En conséquence, lorsque l'équilibre de l'un est rompu, la maladie touche ces deux entités : elle rompt les défenses organiques, elle rompt l'équilibre. Le déséquilibre est alors non seulement physique et psychique, mais aussi social et religieux.

C'est un choc ; la personne malade est contrainte d'abandonner ses activités d'adulte : elle peut perdre son salaire, voire son travail, sa compagne, etc..., ne plus sortir. La maladie ébranle la personnalité, la relation aux autres. Elle permet aussi de se confronter à ses limites.
   Le malade réfléchit alors à la cause du déséquilibre : pour l'animiste, la maladie est donnée soit par un mauvais esprit, soit par des mauvais génies. Le premier peut être un ancêtre fâché de ne pas avoir été respecté ou parce qu'une promesse qui lui a été faite n'a pas été tenue. Les seconds doivent être évités (ne pas aller aux champs le vendredi...).


3.2- Le recours aux soins

Puis la personne lutte et cherche quelles actions mettre en place afin de se soigner. Elle aura d'abord recours à ses ressources personnelles, aux savoirs qu'elle aura acquis, puis en cas d'échec elle consultera en général sa famille. Si le problème dépasse les connaissances de l'individu et de son entourage, si les solutions proposées échouent, ce n'est qu'en dernière intention que le malade se rendra chez le guérisseur ou à l'hôpital suivant le cas (c'est-à-dire en Afrique ou en France).
   On comprend donc que ces patients ne se résignent à se rendre à l'hôpital qu'après une suite d'échecs, et qu'ils se sentent alors perdus, agressés, et peu confiants.
    On peut également remarquer que les Africains Noirs, en France, ne se rendent pas couramment chez les guérisseurs (pratiquant la médecine traditionnelle), considérés comme des charlatans, contrairement à ce qui se passe en Afrique.
   D'autre part, on peut noter que "pour une même maladie, il existe fréquemment une dissociation entre la causalité de la maladie (souvent d'ordre magique ou surnaturel) et la thérapeutique médicale, adoptée ou acceptée néanmoins" (5).


3.3- La souffrance

Concernant le vécu de la souffrance et sa valeur dans la culture noire africaine, je voudrais simplement citer un passage d'un article :
   " Il s'agit d'une jeune femme béninoise, arrivée en France depuis quelques mois, qui accouche dans une maternité provinciale. On lui pratique une péridurale. Le lendemain, elle refuse de se lever et demeure repliée sur elle-même, déclarant "souffrir de sa péridurale ". Mise en confiance, elle parle alors des accouchements des femmes de son village, et notamment de ceux vécus par sa mère ou ses tantes. Toujours, elle a vu naître les enfants dans la douleur nécessaire de la femme. La péridurale l'a, en quelque sorte, dépouillée de son affiliation à sa mère et aux autres femmes de sa lignée. L'anesthésie l'a privée d'un repère essentiel, déréalisant l'expérience qui inscrit cet événement dans une histoire collective. "
   Cet exemple n'a en aucun cas valeur de généralité, mais illustre la nécessité de s'enquérir des conceptions de la personne avant de plaquer un modèle de soin sur un patient.

Traditionnellement, la souffrance est soulagée par différents moyens :
   - Les massages : curatifs, préventifs ou harmonisants, ils sont utilisés pour soigner ou pour se sentir bien. Ils ne se font pas par zones, mais pour tout le corps : ils ont pour but de remettre en forme, de réassocier, de renouer le contact entre les différentes parties du corps, contenu et contenant ; pour toutes ces raisons, ils ont leur place dans l'éducation du corps, et peuvent être faits au patient par un membre de son entourage, afin de permettre au corps de ne pas se sentir abandonné, mais protégé, et de calmer ainsi la douleur.
   - Les plantes : peuvent être absorbées ou utilisées en frictions. Mais les plantes habituellement utilisées en Afrique n'existent pas en France.


21 mars 1999 - (c) isabelle GUYOT
Réalisé par Jérôme MALANDRINO (c) 1999